

Détails
- Date 26 Avr 2018
- Catégorie Autres
A propos
L’entreprise utilisatrice d’un salarié intérimaire, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle au cours d’une mission, n’a pas qualité à agir pour contester, ni la décision portant fixation du taux d’incapacité permanente de l’intéressé, ni l’opposabilité de la prise en charge d’un accident du travail au titre de la législation professionnelle.
Telles sont les précisions apportées par la Cour de cassation dans deux arrêts du même jour, voués à une large diffusion.
Pour rappel, pour tenir compte des risques particuliers encourus par les salariés mis à la disposition d’utilisateurs par les entreprises de travail temporaire (ETT), la loi pose le principe d’une répartition entre l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire du coût financier de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle dont est victime un salarié intérimaire pendant sa mission, pour la détermination du taux de cotisation AT/MP (CSS, art. L. 241-5-1 et R. 242-6-1).
La participation des entreprises utilisatrices au coût des AT/MP dont sont victimes les travailleurs temporaires mis à leur disposition est fixée au tiers du coût moyen de l’accident en cas de tarification individuelle ou mixte ou d’une fraction du capital représentatif de la rente en cas de tarification collective.
Chacune des entreprises en cause peut contester cette répartition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale en fonction de leurs responsabilités effectives et respectives.
En l’espèce, dans chacune des affaires, un salarié, mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, a été victime d’un accident du travail au cours d’une mission. Toutefois, l’entreprise utilisatrice n’a pas contesté la répartition de l’imputation du coût de l’accident du travail entre elle-même et l’entreprise de travail temporaire ; elle a tenté une autre voie de recours.
Ainsi, dans la première affaire, la caisse primaire d’assurance maladie de Lille-Douai ayant fixé le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de la victime à 15 %, c’est ce taux que l’entreprise utilisatrice a elle-même souhaité contester devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale.
Dans son arrêt en date du 30 mars 2016, la Caisse Nationale de l’Incapacité et de la Tarification des Accidents du Travail (CNITAAT) juge recevable l’action de l’entreprise utilisatrice en se fondant sur le raisonnement suivant : en vertu desarticles L.241-5-1 et R.242-6-1 du Code de la sécurité sociale, l’entreprise utilisatrice supportant pour partie le coût de l’accident ou de la maladie professionnelle, elle a donc un intérêt légitime à contester la décision déterminant le taux d’incapacité permanente, puisque celle-ci influe sur le montant de la rente ou du capital versés au salarié victime.
Dans la seconde affaire, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne ayant pris l’accident du salarié intérimaire en charge au titre de la législation professionnelle, l’employeur a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale. C’est dans ce cadre que l’entreprise utilisatrice est alors intervenue volontairement devant la cour d’appel pour contester elle aussi l’opposabilité de la décision de prise en charge de l’accident : demande jugée irrecevable par la cour d’appel d’Amiens et confirmée par la Haute Cour.
Que ce soit devant les juridictions du contentieux général de la sécurité social pour contester l’opposabilité de la prise en charge d’un accident du travail au titre de la législation professionnelle (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n°16-28.333 et n°17-10.640), ou devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale pour contester la décision portant fixation du taux d’incapacité permanente de l’intéressé (Cass. 2e civ., 15 mars 2018, n°16-19.043), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation déclare l’entreprise utilisatrice irrecevable à agir, pour défaut de qualité.
Au visa de l’article L.1251-1 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle en effet que l’entreprise utilisatrice « n’est pas l’employeur juridique du salarié mis à sa disposition » et que « le seul employeur d’un salarié lié par un contrat de mission à une entreprise de travail temporaire et mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice est l’entreprise de travail temporaire ».
En conséquence, seule l’entreprise de travail temporaire (ETT), employeur juridique du salarié mis à disposition, a qualité pour contester le caractère professionnel de l’accident du travail survenu à un salarié au cours d’une mission de travail temporaire, mais également la décision portant fixation de son taux d’incapacité.
Faisant preuve de pédagogie, la Haute juridiction en profite néanmoins pour rappeler à l’entreprise utilisatrice les deux voies de recours qui lui sont ouvertes le cas échéant :
- •
agir en responsabilité contractuelle contre l’entreprise de travail temporaire devant la juridiction de droit commun ;
- •
ou bien contester devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale l’imputation pour partie du coût de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, autrement dit la répartition de la charge financière de l’accident du travail entre elle-même et l’entreprise de travail temporaire.